Opinion  Fiscalité

Peut-on se passer de deux milliards ?

Le gain attendu d’une réforme fiscale, tel que le propose le rapport Godbout, ne coûterait rien au gouvernement

Lundi prochain, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, réunira les partenaires socioéconomiques pour discuter des suites à donner au rapport Godbout sur la fiscalité.

Tandis que les prévisionnistes abaissent les attentes sur le plan de la croissance, une réforme fiscale d’envergure qui agirait sur ses ressorts plus fondamentaux paraît d’autant plus pertinente. Faut-il le rappeler : plus de croissance, c’est un meilleur niveau de vie. C’est aussi plus de revenus pour l’État, et donc moins de pression sur les contribuables, les employés et les bénéficiaires des services publics.

La commission Godbout a calculé qu’un réaménagement du fardeau fiscal engendrerait une hausse permanente du PIB d’au moins deux milliards de dollars. C’est là un impact énorme ! Pour la mettre en perspective, cela équivaut à une fois et demie l’impact attendu du Plan Nord sur les cinq prochaines années. Mieux : tandis que les investissements espérés au Nord nécessitent des fonds publics pour les « stimuler », le gain attendu d’une réforme fiscale ne coûterait rien au gouvernement.

Comment cela se peut-il ? C’est que la fiscalité influence à peu près tous nos comportements économiques, que ce soit dans nos habits de travailleur, d’entrepreneur, d’investisseur, d’épargnant, de consommateur ou d’usager de services publics.

En particulier, la fiscalité peut inciter les individus à accroître leur offre de travail. Elle peut inciter les travailleurs et les chômeurs à renouveler leurs compétences ; un travailleur possédant les bonnes compétences peut occuper l’un des milliers d’emplois disponibles dans les métiers en demande. La fiscalité peut inciter les entreprises à investir davantage pour rehausser leur productivité.

Au lieu de subventionner les entreprises qui investiraient de toute manière, les aides pourraient être mieux ciblées.

L’écofiscalité peut pousser les gens à consommer mieux, par exemple, en intégrant dans les prix de l’énergie leur coût environnemental. Les tarifs des services publics peuvent renseigner davantage les usagers sur la vérité des coûts et les inciter à des choix conséquents ; mieux vaut aider nos concitoyens moins fortunés plus directement. Enfin, le fardeau fiscal pourrait être déplacé vers les objets de taxation les moins faciles à frauder : notre fardeau fiscal est certes trop lourd, mais cela n’excuse pas l’évasion fiscale pour autant.

Évidemment, pour atteindre tous ces objectifs, il est facile de dire qu’il faut toujours plus de subventions pour ceci ou encore moins d’impôt sur cela. Malheureusement, dans le contexte actuel des finances publiques, seule une réforme à coût nul est plausible. Pour inciter davantage aux comportements souhaitables, il faudra renoncer aux mesures inefficientes. Choisir, c’est renoncer.

Nous n’arriverons à rien si les parties prenantes se contentent de réitérer leur discours traditionnel. Les entreprises préconisent une baisse du fardeau fiscal, alors que les syndicats favorisent une plus grande redistribution de la richesse. Or, nous parviendrons peut-être à enrichir le Québec, par l’ajout de deux milliards de dollars au PIB, si nous trouvons le courage de sortir des sentiers battus.

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